Une vie rythmée par le tennis et non par le handicap. Manon Doyen est sourde de naissance. Mais elle réussit à mener ses études et sa passion en pratiquant sa discipline face à des personnes valides. Aujourd’hui, étudiante à la faculté de sport de Nancy, elle a participé cette semaine à son premier tournoi international et rêve de jouer Roland-Garros ou l’Open d’Australie pour sourds et malentendants.
Manon Doyen est née dans le monde du silence. Appareillée très tôt, à l’âge de deux ans, Manon a pu apprendre à parler, à lire sur les lèvres, avec le soutien de sa maman, orthophoniste. Et démarrer très tôt le tennis, comme le raconte son papa, Guillaume : “On est une famille de tennisman. Mon grand-père joue au tennis, ma maman joue au tennis, mon frère est professeur de tennis. Donc elle a commencé avec moi à quatre ans et ça lui a tout de suite plu”.
S’adapter sans le son, face à des personnes valides
Malgré son handicap invisible, Manon Doyen affronte des personnes valides avec son appareil : “Je pensais que j’étais normal. Vu que je jouais avec d’autres joueuses normales, je me considérais comme elles”. Mais jouer sans le son, sans les bruits, a forcément entraîné des difficultés dans la pratique : “On a du mal à percevoir les effets de la balle. On a aussi un retard sur l’impact de la balle, sur les déplacements. Mais lorsqu’on est confronté au monde du silence, on est quand même dans une bulle, on est confronté à nous-mêmes. On est vraiment concentré jusqu’au bout“. Alors, il faut s’en accommoder : “Je m’adapte surtout à la vue, je m’adapte aussi à ma stratégie de jeu. J’anticipe les coups de mon adversaire” explique la jeune femme de 20 ans.
“On a du mal à percevoir les effets de la balle. On a aussi un retard sur l’impact de la balle, sur les déplacements.”
Manon Doyen, tenniswoman sourde de naissance
Aujourd’hui, la licenciée du club du Well Nancy depuis huit ans performe. Classée 15/1, Manon Doyen fait partie des “150 meilleures joueuses de la région au niveau senior“. En octobre dernier, elle participe à ses premiers championnats de France de tennis sourds et malentendants dans l’Essonne. Mais pour ça, elle doit jouer sans son appareil, pour se mettre au même niveau de celles et ceux qui n’en portent pas et n’entendent aucun son : “J’ai fait mon premier match et ça m’a beaucoup plu. C’est une autre manière de jouer au tennis. J’ai décidé de continuer et franchement, je suis meilleur lorsque je joue sans mon appareil ! ” sourit la principale concernée.
Mais là aussi, il faut s’adapter. Son entraîneur au Well Nancy, Pierre Brandt l’explique : “On l’a enlevé à l’entraînement aussi. Comme ça fait huit ans qu’on se connaît, rien qu’avec quelques gestes, juste en se montrant 2-3 choses, elle comprend très vite. Et au pire, on se retrouve, et elle arrive à lire sur mes lèvres”.
Objectif : Open d’Australie et Roland-Garros pour sourds et malentendants
La Nancéienne se classera finalement 6ᵉ de ces premiers championnats de France. Une performance qui lui permet d’être repérée et appelée pour aller s’entraîner avec l’Équipe de France de tennis sourds et malentendants : “C’est une fierté de jouer pour la France. C’est un rêve fou (…). Franchement, je suis trop contente“. Le papa poursuit : “On est très fier avec Karine, la maman. On la voit s’épanouir aussi. Et d’avoir cette perspective et d’intégrer ce niveau international, on est très content pour elle“.
Manon Doyen, qui participe cette semaine à son premier tournoi international, se met à rêver plus grand. Ses ambitions sont déjà claires : l’Open d’Australie et Roland-Garros pour personnes sourdes et malentendantes. Objectif top 20 mondial. Une vie que Manon Doyen est parvenue à rythmer par le tennis, et non par le handicap.
